Voici ma participation au thème de la semaine (les frères Coen) sur In Media Res, un site de publications universitaires dépendant de la New-York University :
N’hésitez pas à participer à la discussion autour du thème, que ce soit sur mon article ou sur les autres déja parus ou à paraître !
Pour les non-anglophones, voici une traduction de l’article :
L’Amérique est au centre du travail des frères Coen, encore plus que la plupart des réalisateurs de leur génération. Chacun de leurs films respecte une certaine unité de lieu : le protagoniste semble prisonnier d’une cage, qu’il s’agisse d’une ville ou des grands espaces. Les deux frères utilisent ces derniers pour créer un paradoxe en emprisonnant leurs personnage utilisant le décor et la mise en scène, allant ainsi à l’encontre de l’idée de liberté qu’évoquent ces paysages. Le héro coennien est constamment pris dans une spirale infernale, une boucle de laquelle il ne semble pouvoir s’échapper.
H.I. McDonnough et Llewelyn Moss courent tous deux après un idéal commun : fonder une famille. Le premier essaye de tromper la nature, le destin ayant décidé de le rendre infertile. Les paysages arides et inhospitaliers de l’Arizona sont clairement une métaphore de sa situation. La vision des grands espaces américains des frères Coen remet en cause toute une mythologie. Dans l’Ouest (et même dans le Midwest), les hommes qui vivent constamment sur la route partagent un lien très fort avec leur terre. C’est pourquoi, même dans ses rêves les plus fous, H.I. s’imagine vivre « dans un pays pas trop loin » : l’Utah. Même si cette fin est teintée d’ironie, elle laisse le spectateur sur une note positive, comme si peut-être, les deux frères croyaient encore en ce rêve.
Le vieux couple de la fin évoque celui de Fargo, et son homologue dans No Country for Old Men. Ces deux couples sont la preuve dans la filmographie plutôt cynique des frères Coen qu’une utopie est bel est bien possible, une que l’argent ne peut acheter. Dans ces films, seuls les hommes simples semblent atteindre un semblant de bonheur. Le rêve teinté de nostalgie d’Ed Bell cristallise cette idée. Sa vie simple apparaît comme un îlot au milieu d’un océan de chaos, et la seule chose à laquelle il peut se raccrocher est le souvenir de son père, un homme plus jeune que lui (une si belle image par ailleurs). Les Coen s’approprient la noirceur de ton de Cormac McCarthy : la coupe finale donne des fissons, des yeux fatigués de Tommy Lee Jones à l’écran noir accompagné de la musique minimaliste de Carter Burwell.
À travers ces deux rêves, les frères Coen explorent la question du rêve Américain, et ainsi celle de l’identité américaine et du mythe du self made man.